Conclusion d’un bail avec des diplomates

Il y a actuellement en Belgique, plus de 30.000 personnes envoyées par les gouvernements étrangers et bénéficiant à ce titre de l‘immunité diplomatique. Elles sont souvent locataires parce qu’elles ne résident pas longtemps en Belgique, et les propriétaires ont parfois bien du mal à faire respecter les obligations découlant du bail conclu avec elles.

Diverses conventions internationales ou traités bilatéraux entre états énoncent les dispositions applicables en cette matière.

Les plus importantes que la Belgique a ratifiées et approuvées sont :

1. La convention de Vienne du 18 avril 1961 (loi du 30 mars 1968) qui règle les privilèges et immunités des diplomates.

2. La convention de Vienne du 24 avril 1963 (loi du 17 juillet 1970) qui règle les privilèges et immunités des membres du personnel des postes consulaires.

3. Le traité du 8 avril 1965 (loi du 13 mai 1966) qui régit les immunités des fonctionnaires et agents des Communautés européennes.

Une très intéressante étude a été publiée sur le sujet.

On y retrouve notamment le détail du contenu des conventions. Nous y renvoyons le lecteur qui souhaite en savoir plus. Retenons-en que ces conventions organisent la protection des immeubles officiels ainsi que celle des personnes.

Protection des immeubles officiels

La protection de l’immunité diplomatique est acquise aux immeubles officiels de la mission diplomatique. Ceux-ci sont inviolables et ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution. Le privilège n’est pas toujours aussi étendu. Ainsi, les locaux et bâtiment des Communautés européennes sont inviolables, mais moyennant autorisation de la Cour de justice européenne, ils peuvent faire l’objet de mesures de contrainte.

En ce qui concerne les locaux consulaires, seule la partie de ces locaux affectée aux besoins du travail est inviolable.

Protection des personnes

Le privilège des personnes varie également en fonction de leur statut.

Le privilège des agents diplomatiques (ambassadeur, secrétaire d’ambassade) est le plus étendu. Les membres de leur famille, pourvu qu’ils ne soient pas ressortissants belges, en bénéficient également.

En quoi consiste cette immunité ?

La personne est inviolable, elle ne peut être soumise à aucune mesure d’arrestation ou de détention, et sa demeure privée jouit de la même inviolabilité que les locaux officiels.

Elle y jouit de l‘immunité de juridiction pénale, civile et administrative.

Dans ces derniers cas, il y a cependant trois exceptions. L’immunité ne protégera pas l’agent s’il s’agit :

1. D’une action concernant un immeuble privé situé en Belgique dont le diplomate est propriétaire et pour autant qu’il ne le possède pas pour compte de son État aux fins de sa mission.

2. D’une action concernant une succession.

3. D’une action concernant une activité professionnelle ou commerciale exercée par l’agent en dehors de ses fonctions.

Les membres du personnel administratif et technique bénéficient également des mêmes privilèges et immunités que l’agent diplomatique lui-même. S’ils sont belges, leurs privilèges et immunités sont déterminés par la Belgique. S’ils sont étrangers, c’est la Convention de Vienne de 1961 qui est applicable.

L’immunité de juridiction civile et administrative ne s’applique pas aux actes accomplis en dehors de leur fonction, et n’est pas applicable aux membres de leur famille.

Les membres du personnel du service de la mission (chauffeur, cuisinière, etc) bénéficient de l’immunité uniquement pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction, sauf s’ils sont belges ou s’ils ont leur résidence permanente en Belgique. Dans ces derniers cas, les privilèges et immunités sont déterminés par la Belgique.

Les fonctionnaires consulaires ne bénéficient de l’immunité de juridiction civile et administrative que dans les limites bien précises des actes accomplis dans l’exercice des fonctions consulaires.

On est loin de l’immunité quasi totale des agents diplomatiques.

Les membres de la famille des fonctionnaires consulaires ne bénéficient d‘aucune immunité de juridiction civile. Aucune immunité de juridiction civile non plus n’est accordée aux membres du personnel de service d’un poste consulaire.

Les fonctionnaires des Communautés européennes ne bénéficient pas de l’immunité diplomatique. Leurs meubles et traitements peuvent d’ailleurs être saisis.

En pratique, que faire lorsqu’un diplomate ne respecte pas les obligations du bail ?

Le bailleur doit écrire au Chef du protocole du Ministère des Relations extérieures et demander son intervention.

Si un huissier ou un avocat entame cependant une procédure contre une de ces personnes, l’assignation ou l’exploit est adressé en double exemplaire au Ministère des Relations extérieures, qui en accuse réception. Malheureusement, les choses en restent souvent là.

Le Chef du protocole du Ministère transmet cependant l’assignation ou l’exploit au Chef de la mission de la personne concernée. Dans les cas importants, le Chef du protocole ou le Ministre lui-même exercera pression pour tenter de sauvegarder les intérêts des Belges. Mais l’issue de l’affaire dépendra aussi des relations entretenues par la Belgique avec l’État concerné.

Il peut également arriver qu’on obtienne la levée d’immunité du diplomate par l’État étranger. Mais cette levée d’immunité ne vaut pas d’office possibilité d’exécution pour laquelle une renonciation expresse et distincte est requise par l’État étranger.

Une procédure peut cependant être entamée avec succès contre les personnes qui ne bénéficient que partiellement de l’immunité de juridiction.

Cependant, ces procédures devront se faire par l’intermédiaire du Ministre des relations extérieures, car ces personnes ne sont pas obligées de s’inscrire aux registres de la population.

En conclusion

Le bailleur qui conclut un bail avec un agent diplomatique doit savoir qu’il court un risque certain de ne jamais obtenir justice en cas de conflit avec son locataire.

Il doit alors penser à s’entourer de certaines garanties, notamment en exigeant une garantie locative importante et en espèces, dans la mesure où la loi le lui permet.

Toutefois, lorsque le bail porte sur un immeuble affecté à la résidence principale de la famille, la loi ne permet pas que la garantie soit supérieure à trois mois de loyer, lorsqu’elle est versée en espèces. Il est alors préférable de demander une garantie sous forme de titres au porteur, de bons de caisse dont la valeur peut être supérieure à trois mois de loyer et qu’ils sont conservés par le bailleur.

Le système de garantie bancaire ne constitue aucune protection réelle.

« Le plus prudent est de ne point passer de contrat avec l’ambassadeur » écrivait A. de Wicquefort.