Le premier achat immobilier s’effectue de plus en plus jeune

Le Belge mange sa brique de plus en plus jeune.

Les jeunes ne visent pas directement le bien de leurs rêves : ils achètent plus petit, quitte à revendre plus tard pour acheter mieux.

Le coup de pouce des parents est précieux.

Avec un score pareil, difficile de faire mentir le proverbe. Plus de sept belges sur dix sont propriétaires de leur habitation ; alors oui, on peut dire que nous avons une brique dans le ventre, depuis un bon bon de temps. La tendance ne risque pas de s’inverser : elle s’amplifie. Entre 1996 et 2006, la proportion de propriétaires dans notre pays est passée de 65 à 72%.

Ce qui est le plus récent, c’est que le Belge mange sa brique de plus en plus jeune. Il y a de plus en plus de clients qui, dès 24ans, achètent leur logement. Généralement des jeunes qui n’ont pas fait de longues études et travaillent déjà, depuis deux ou trois ans. Ils n’ont pas les moyens de s’offrir une petite maison ou un appartement avec deux chambres, alors ils optent pour un studio ou un appartement une chambre. Ou alors il s’agit de jeunes aux alentours de 28 ans, ayant fait de plus longues études, et aidés par leurs parents. Les jeunes achètent de plus en plus, et de plus en plus jeunes. La moyenne d’âge à l’achat ne cesse de chuter. Ce phénomène a connu un pic dans la période qui a précédé la crise. Depuis, les choses se sont légèrement calmées.

Principale conséquence pour le marché, les biens affichent un taux de rotation plus important. C’est que l’ont achète pas la maison de ses rêves à 25ans !

Il y a dix de cela, quand des gens achetaient un logement, c’était leur logement pour la vie. Car le belge déménage peu. Les gens attendaient d’avoir le budget du bien de leur vie avant d’acheter. A présent, les jeunes investissent plus rapidement dans l’immobilier, quitte à revendre après quelques années afin de pouvoir acquérir un bien plus en ligne avec leur situation familiale ou économique. Selon nos projections, ils achèteront alors deux biens, voire trois.

Acheter rapidement, même petit, afin de revendre par la suite pour acheter plus grand. C’est même une bonne chose. Le prix de l’immobilier évolue plus vite que l’inflation et le coût de la vie. Si l’on peut acheter maintenant, il n’est pas dit qu’on puisse encore le faire dans dix ans.

Ce taux de rotation plus élevé se voit déjà dans les actes de vente. Un acte de vente reprend l’origine de propriété depuis 25ans. Maintenant, quand des jeunes achètent, on voit que le bien a déjà été vendu dans les 15 dernières années. En immobilier, les prix stagnent parfois, mais ne chutent pas. Attendre ne sert à rien : acheter jeune permet de réaliser une plus-value plus tôt. « Si j’achète à 35ans, j’ai sept ans de retard sur celui qui s’est lancé à 28 et je n’arriverai pas à le rattraper. »

A quoi est dû ce phénomène ?
Aux taux d’inflation réduit.

Il a diminué vers 1993, 1994, et dès l’automne 1996, les taux d’intérêts ont commencé à chuter. Résultat, le décalage entre la charge locative et la charge d’emprunt s’est nettement réduit. Dans les années 70, durant les premières années du moins, un emprunt coûtait à un jeune ménage au moins 50% de plus qu’un loyer. Cette inflation réduite a gommé le handicap auquel étaient confrontés les jeunes, le fossé entre le prix à payer pour un loyer et celui à rembourser dans le cadre d’un crédit hypothécaire. De plus, les formules permettant d’emprunter de 100 à 115% du prix d’achat ont également stimulé les jeunes.

Les jeunes ont tendance à bouger de plus en plus.

Pour accéder à des postes avec responsabilités, il faut accepter des missions à l’étranger, ce qui permet de gagner davantage. Il y a de plus en plus de jeunes « ambitieux » qui acceptent de s’expatrier et dont l’objectif est de devenir propriétaire.

On peut aussi parler de l’influence de la télévision.

Il y a en effet ce sentiment que le phénomène est en partie lié à l’arrivée sur nos écrans de tous ces programmes télévisés d’origine américaine et qui parlent de construction, de décoration, d’achat de la maison de ses rêves. Cela a un impact psychologique sur les jeunes, surtout en Belgique, où l’on a déjà une brique dans le ventre.

A quoi s’ajoute encore la prise de conscience qu’il faut sauter rapidement dans le « train de l’immobilier » sous peine de le manquer. Ou l’ingénierie développée par des banques imaginatives. Allongement des crédits, formules accordéons et autre.

Si on s’accorde sur les raisons de cet engouement de la jeunesse pour l’immobilier, on peut encore diverger sur son âge. Cette tendance existe depuis une dizaine d’années et elle n’est pas limitée à la Belgique. Ses effets sont frappants depuis 4 ou 5 ans. Mais nous en sommes encore aux prémices. A savoir la première génération des 24-25ans qui achètent. Mais rare sont ceux qui en sont déjà eu stade de la revente. Si cette vague existait auparavant, elle n’était pas consistante comme aujourd’hui. Ce phénomène est juste en train de s’installer.

Du reste, les données chiffrées manquent. Les statistiques sur l’âge moyen des acquéreurs ne sont pas monnaie courante. Une indication tout de même : chez BNP Paribas Fortis la tranche des 18-25ans n’a pas encore franchi la barre des 10% des emprunteurs.

L’aide : Merci papa, merci maman

Les jeunes de 23 ou 24 ans qui achètent sont systématiquement aidés par leurs parents. Rare sont ceux qui débarquent avec 30.000 Euros d’économie. On se situe donc dans un certain milieu social, où les parents peuvent prêter un capital, même modeste. Le taux d’épargne est solide en Belgique; très souvent, les parents aident lors de la première acquisition de leurs enfants, ou accordent leur garantie afin de faciliter l’octroi d’un crédit hypothécaire. Si l’aide familiale n’intervient pas systématiquement, elle n’est pas toujours déclarée non plus. Les gens ne disent pas forcément d’où proviennent leurs fonds propres.

Le frein : cher enregistrement

En Flandre, depuis l’instauration de la « reportabilité des droits d’enregistrement, les ventes ont davantage été stimulées qu’à Bruxelles et en Wallonie et la proportion de propriétaires est plus forte. En Flandre, en 1984, on comptait annuellement 19,1 achats d’habitation existante par millier de ménages; en 2009, ce chiffre était de 26,74 (+40%). La hausse est moins spectaculaire à Bruxelles (10,3%) ou en Wallonie (4,7%). Les droits d’enregistrement entre 10 et 12,5% sont pénalisants. Acheter est très cher. D’un autre côté, cela amortit les crises : on vend moins vite. Colossalement élevés, d’ici quelques années ils seront revus à la baisse, au gré d’une harmonisation européenne.

L’écueil : La séparation

L’augmentation de la rotation des biens sur le marché n’est pas due au seul intérêt des jeunes pour l’immobilier. Les questions de cœur jouent aussi : la séparation d’un couple débouche fréquemment sur la vente de l’habitation.